Prévenir les difficultés en maternelle

Extrait de la conférence de Gérard Chauveau du 5 décembre 2012 à l’Espace Ch. Aznavour d’Arnouville

Comment s’y prendre à l’école maternelle pour éviter la « mal lecture  » et prévenir l’illettrisme ?

A l’entrée au CP, les enfants de six ans ne sont pas tous sur la même ligne de départ en ce qui concerne le code écrit. Les écarts sont déjà importants : 15 % sont lecteurs, 40 % ont compris le principe de base du code écrit. Mais il y a les autres…
Pour ceux-là , les difficultés culturelles et langagières s’ajoutent aux difficultés relatives au code écrit. Malgré tout, il y a une attente très positive, les élèves sont contents d’entrer au CP, ils sont en attente de l’apprentissage de la lecture, mais ne lui donnent pas toujours de sens ou de finalité à l’activité de lecture.
Aux questions « Pourquoi c’est bien d’apprendre à lire ?  » les élèves fragiles donnent des réponses troublantes, sans rapport avec les pratiques culturelles.
 des réponses circulaires « On peut lire des mots : papa…maman…Ratus.  » "A quoi ça sert ?" « ça sert à écrire…  »
"A écrire quoi ?" « ça sert à écrire des mots : papa, maman, Ratus  ».
"A quoi ça sert de savoir écrire papa, maman, Ratus ?" « ça sert à lire… »
 des réponses institutionnelles à risque où les menaces pèsent lourd « Si on ne sait pas lire, on va retourner chez les bébés, on va être puni, on va se moquer, on va redoubler…  ».
Ces « futurs élèves en difficulté  » tournent en rond. Ils n’arrivent pas à parler des pratiques culturelles de la lecture. Ils n’ont pas de projet de lecteur.
Aux mêmes questions, au cours d’un bref entretien avec un adulte, les élèves en réussite peuvent donner plusieurs raisons culturelles d’apprendre à lire à l’entrée au CP : « On peut lire des livres tout seul  », « on peut lire le journal  », « on sait ce qui se passe ailleurs  », « on peut lire les papiers des médecins, etc.  ». Ces élèves présentent la lecture comme un outil intellectuel qui sert à l’école, mais aussi dans la vie de tous les jours. Ils montrent qu’ils ont compris quelles sont les principales pratiques culturelles liées à la lecture.
Les élèves en réussite donnent des réponses culturelles et fonctionnelles alors que les élèves en difficulté n’en donnent aucune
Entrer dans l’écrit dès l’école maternelle, c’est marcher sur « deux jambes  » :
 découvrir le code écrit, le principe alphabétique : ce qui s’écrit ce sont les sons du langage. Les enfants doivent être entraînés à adopter une attitude réflexive sur le fonctionnement de la langue écrite, du fonctionnement de la langue orale, et de leurs aspects formels.
 découvrir la culture écrite, les objets, les supports et leur fonction, mais aussi entrer dans le monde des pratiquants de la culture écrite -les adultes qui interviennent en milieu scolaire- avec des échanges réguliers et quotidiens (mécanisme d’identification possible).
L’apprentissage de la lecture commence à la maternelle avec la fréquentation des pratiquants de la culture écrite, l’entrée dans la « communauté des « lecteurs écriveurs  ».

A l’école maternelle, premier lieu de prévention de l’illettrisme, les enseignants doivent se montrer en train de lire et d’écrire. Ils doivent verbaliser ce qu’ils font, comment ils s’y prennent, ce qu’ils lisent en dehors de l’école.

En conclusion : L’école maternelle est importante, mais ne doit pas s’élémentariser. Ce qui relève de la maternelle, c’est l’éducation à l’écrit, pas l’enseignement systématique du code. Tous les enfants à la maternelle doivent développer un projet de lecteur, comprendre ce qu’est l’activité de lecture : ne pas confondre raconter et lire une histoire, ne plus penser que lire, c’est deviner. Ils doivent vivre une première période d’expériences de l’écrit : lecture d’histoire, fréquentation de la BCD, reformulation d’histoires, dictée à l’adulte en groupe restreint. La deuxième phase portera sur la compréhension du fonctionnement du code écrit : développement d’habiletés graphophonologiques. Enfin un enseignement régulier de la compréhension de la culture écrite sera assuré.